Dernier soir aux Pays des Érables.

Une pluie d’amis…
Autour du berger et de ses brebis..

Sous les cris des perruches à collier…

Une pluie d amis…

Montpellier parc de la Grande Lironde…

Voilà presque deux mois  que cinquante brebis, un berger et ses chiens ont quitté le maquis pour venir s’installer dans un parc de 6 hectares où passe le petit ruisseau de La Lironde…

Sous les pins, les érables, les chênes et toute cette végétation que les goélands survolent, c’est dire la proximité de la mer, les brebis se sont dépêchées de manger avec envie le vert de cette ville avant que les herbes brûlent sous le soleil  de l’été.

Les brebis non seulement mangent le vert mais avec l’aide des chiens et du berger elles ralentissent le temps… et le temps qui rythme celui des troupeaux est celui qui remonte à la nuit des temps… 

Le son des sonnailles suspendues au cou des brebis et des chèvres, le chien qui travaille et la voix du berger qui veille et conduit ont réveillé les questions perdues au fond de soi…

Les vignes ployaient à nouveau sous les grappes brunies par les brûlures du soleil et remplies par les embruns portés par le vent venant de la mer.

15 ans seulement que le premier immeuble a remplacé les pieds des vignes. Que le bruit des ascenseurs et des portes qui se verrouillent ont rempli le silence des matins d’hiver où le vigneron taillait à un oeil les vignes et que l’odeur parfumée des fumées quand les sarments flambent et se consument sont  devenues d’acres odeurs qui s’échappent  des voitures.

15 ans seulement. Les voix des femmes qui se retrouvent autour de la fontaine : figées dans la pierre. 

15 ans seulement. La roue dentelée qui remonte l’eau du puits : grippée par la rouille…

15 ans seulement pour oublier le mas dont les fenêtres respirent et regardent à perte de vue les coteaux des vignes changeant de couleurs aux rythme des saisons. Aujourd’hui muré par une clôture et qui se meurt dans l’ombre des frênes, des vieux chênes et des mémoires.

Depuis d’autres immeubles se sont ajoutés… des allées tracées et des gens qui courent et passent sans respirer…

Les brebis ont besoin de marcher pour manger, faire grossir leurs ventres et donner du lait aux agneaux. Ce sont les brebis qui décident des moments où il faut marcher, se poser, s’abriter, se protéger, nourrir et donner de l’amour aux agneaux…

Le berger sait l’importance pour ses brebis de laisser vivre ce rythme et d’avancer avec elles sans leur donner de contraintes. Le berger ne regarde jamais derrière lui. Il n’a pas de regrets ni de remords. Il vit au présent comme les brebis et les chiens qu’il conduit. Depuis la nuit des temps il avance au pas du troupeau…

Comme les brebis les gens ont ralenti puis se sont arrêtés et ont commencé à partager un peu de temps avec elles… empruntant le passage qui mène du vivre avec son temps au temps de vivre…

Au départ du berger ils sont venus le saluer… tous devenus amis comme autant de bergers rassemblés pour fêter les réponses aux questions revenues du fond de soi…

Dernier soir pour le berger. Dernières manoeuvres pour Jack le chien de berger pour ramener les brebis à la couchade…

Sous les cris des perruches à collier qui tracent dans le bleu sombre du ciel couchant des jets de couleurs jaunes et verts. Les feuilles des magnifiques érables de Montpellier frémissent…  

Les amis sont là… réunis autour des tables qu’ils ont garnies. Le vin coule…

Notes écrites dans les vents contraires